mardi 14 mai 2013

La guerre des boutons. Roman de ma douzième année.


Jeudi 19 novembre
 
La guerre déboutonne...

 



Il faut tout d'abord dire que parler de « La Guerre des Boutons, Roman de Ma douzième Année » Roman de Louis Pergaud c'est payer une vieille dette. J'étais un freluquet d'une dizaine d'années nourri de Club des Cinq lorsque j'ai lu La Guerre Des Boutons. J'ai encore l'édition sous les yeux. C'est un Livre De Poche datant de 1965 qui n'a pas toujours supporté la vie que je lui ai mené. C'est là que j'ai découvert que les livres pouvaient vous laisser une saveur, une odeur, un arôme...La Littérature m'ouvrait ses portes sur une histoire entamée par un « Couille Molle » jetée comme une déclaration de guerre picrocholine.
     

La guerre des Boutons c'est l'enfance


Les personnages du roman sont Lebrac, chefs des longeverne, ses principaux lieutenants, Camus, La Crique, Tintin, la Gambette, Grangibus et Gibus. Ils portent tous des noms de scène ou des noms de guerre, c'est selon. C'est un roman d'enfance. Les personnages adultes, Le Père Simon, instituteur et Bouillon le garde chasse, figure d'autorité, ne sont évoqués qu'au passage.. Une barrière hermétique existe entre le monde enfantin et celui des adultes.
«  Comme si les enfants, vite au courant des hypocrisies sociales, se livraient jamais en présence de ceux qui ont sur eux une parcelle d'autorité! Leur monde est à part, ils ne sont eux mêmes, vraiment eux mêmes qu'entre eux et loin des regards inquisiteurs ou indiscrets » P 171; chapitre III, « La comptabilité de Tintin. »
C'est une enfance campagnarde et paillarde. La fréquentation de la ferme et la cohabitation avec les animaux a développé chez eux un mimétisme particulier à tel point qu' on les voit « trouant les haies, franchissant les fossés, vifs comme des lièvres, hérissés et furieux comme des sangliers » P 326, Chapitre VI  "L'honneur et la culotte de Tintin."
Ce voisinage les a aussi instruit des choses de la vie, la reproduction pour tout dire, au grand désespoir du maître qui voudrait les en préserver.
« Comme si l'acte d'amour dans la nature n'était pas partout visible ! Fallait il mettre un écriteau pour défendre au mouches de se chevaucher, au coqs de sauter sur les poules, enfermer les génisses en chaleur, flanquer des coups de fusils au moineau amoureux, démolir les nids d'hirondelles, mettre des pagnes ou des calecons au chiens et des jupes au chiennes et ne jamais envoyer un petit berger garder les moutons , parce que les béliers en oublient de manger quand la brebis émet l'odeur propitiatoire à l'acte et qu'elle est entourée d'une cour de galant ». P 236, 237.Chapitre VIII « Autres Combinaisons  . Ces jeunes gens ont de viriles préoccupations, capables de se mesurer à qui a la plus grande ( P 310, Ch V Querelles intestines). Pour autant ces jeunes gens ont pour le sexe opposé un mélange de fascination et de répulsion ( cf P 254- 255, Ch 1, « La Construction de la cabane »).
              Ce roman est celui de l'apprentissage par l'action. Nous avons
 le classique du roman d'enfance, celui de la construction de la cabane
« Ils réaliseraient leur volonté; leur personnalité naissait de cet acte fait
 par eux et pour eux. Ils auraient une maison, un palais, un panthéon, où
ils seraient chez eux, où les parents les maîtres d'école et le curé, grands contrecarreurs de projets, ne mettraient pas le nez, où ils pourraient faire
en toute tranquillité tout ce qu'on leur défendait à l'église, en classe et
dans la famille... » P 247, 248, Ch 1, « La Construction de la cabane »).
Mais ici l'auteur en a a fait une déclaration fouriériste, l'acte de naissance
d'un phalanstère juvénile, « Libres enfants de Longeverne »



        La Guerre des Boutons c'est la Guerre Déboutonnée


      Cette Guerre passe d'abord par le langage. ( pendant qu'on y est sur le titre j'ai une théorie toute personnelle . En 1870 on attribué au ministre de la guerre Le Maréchal Le Boeuf ce mot «  Il ne manque pas un bouton de guêtre ». Le mot est aussi apocryphe que le fameux  « Emma, c'est moi » de Flaubert et le « Elémentaire, mon cher Watson » de Sherlock Holmes. N'empêche que je suis sûr que le titre vient de là.
http://www.canalacademie.com/Il-ne-manque-pas-un-bouton-de.html
Voilà une révélation faite en passant.).
          Elle s'entame par ce mot nom (oui je sais c'est un jeu de mot minable mais si je ne les fais pas qui les feraient) de Cambronne mais de « Couille molle » lancé par les velrans aux longevernes. Elle sonne pour les longeverne comme la dépêche D'Ems. La guerre commence donc. Les longeverne deviennent tous sur le champ des guerriers .Celle ci a ses rites. Elle passe donc par l'insulte.
Je cite au passage cet extrait d'échanges diplomatique,
 P 37, 38 Chapitre 2
  « Tension diplomatique »
«  C'est pas passe que ton père tâtait les couilles des vaches sur les champs de foire que t'es devenu riche »
«  Longeverne, pique merde, tâte merde, monté sur quatre pieux, les diables te tirent à eux »
«  Étrangleurs de chat par la queue »

           C'est quand on se place dès le début sous le haut patronage de Rabelais ( Cf préface ) il faut bien savoir verdir son langage. Mais cette guerre est aussi le reflet de son époque. C'est le conflit entre catholiques
 et rouges
«  Car on était calotins à Velrans et rouge à Longeverne » P 74 Ch 5, « Conséquences d'un désastre. ».
Les Longeverne sont pour la plupart
«  vrai fils d'un père qui lisait Le Réveil des Campagnes et Le Petit Brandon, Organe anticléricaux de la Province » P 205,Ch 6 «  Cruelle énigme ».
Les propos anticléricaux sont donc légions, quelques faits d'armes aussi.
Mais il ne faudrait pas en conclure pour autant que les longeverne sont rigoureusement hostile à la religion en elle même. Ils sont plutôt opposés
à l'institution. Mais à les lire attentivement on pourrait les voir comme favorables à une religion paillarde ou paganiste où la nature pourrait
 tenir pleinement sa place..
«  La Crique religieusement avait partagé chaque poisson en quatre(...)Il avait l'air d'un prêtre faisant communier ses fidèles » P282, CH 3, « Le Festin dans la Forêt »).
( Cf P 253,254 Ch 1, « La Construction de la cabane »).

        En même temps ce roman est cruel. Ces jouvenceaux se livrent sur
 leur congénères à des actes d'humiliation, en les dépouillant de leur oripeaux, voire même à ce qu'on peut qualifier de tortures
( Cf P 50 à 52, CH 3 Une grande Journée, mais aussi et surtout ce qui s'apparente à un acte d'exécution sociale, 350 à 356, Chapitre 8 «  Le Traître Châtié ».
L'auteur a pour cette violence le même regard que pour le sexe, faisant partie des choses de la vie, il n'y a aucune raison pour les dissimuler.
«  Les sanglots des martyrs et des suppliciés sont une symphonie enivrante sans doute » Ch Baudelaire, Le Reniement de Saint Pierre, Les Fleurs du Mal » Epigraphe du Ch 9, Tragique rentrée.


Mais cette guerre des boutons c'est tout simplement la Guerre tout court. Jetons ensemble un regard à la table des matières de la première partie.


Livre I La Guerre
1 La déclaration de guerre
2 Tension diplomatique
3 Une grande Journée
4 Premier revers
5 Les conséquences d'un désastre
6 Plan de Campagne
7 Nouvelles batailles
8 Justes représailles


C'est le crescendo de la survenance de la guerre et de son déroulement.
Le livre est écrit en 1912. N'en tirons pas trop de conclusion sur le génie prémonitoire de Pergaud. La vérité est que ce livre est imprégnée d'une époque où la guerre planait et où chacun en était conscient.

«  Hein ! On leur z'y a posé! Ca leur apprendra à ces alboches là »
   P 53, Ch 3 «  Une Grande journée ».
Pourtant ces jeunes gens attentifs à préserver leur jardin secret ont aussi envers les conscrits une sorte d'admiration et de hâte à en être pour savoir ce qu'il en est de bien des choses.
« Plus tard quand on sera conscrit, on le saura nous aussi va » affirma Tigibus, pour exhorter ses camarades à la patience » P 288, Ch 3 «  Le Festin dans la Forêt ».


 Finalement tous les Longeverne seront bien conscrits.


«  Les plumes grincèrent sur le papier pour la date qu'on mettait . Lundi 189.
Ephémérides : commencement de la guerre avec les Prussiens. Bataille de Forbach » P 103, CH 7, «  Nouvelles Batailles »

                               
Ce roman est celui de leur douzième année. La première guerre mondiale commencera en 1914. Ils monteront sans doute au front la fleur au fusil.  On laissera la conclusion à La Crique 

«  Dire que quand nous serons grands nous serons aussi bêtes qu'eux »


  " attends moi Grangibus ! héla Boulot, ses livres et ses cahiers sous le bras. " Relisant cet incipit je réalise enfin combien il est un cri de l'auteur envers sa jeunesse qui s'enfuit. Je rends bien d'ordinaire tous les homnages requis aux classiques. Mais il m'arrive encore bien souvent de me glisser dans ces pages jaunis et cette langue qui, comme dirait Lebrac, fait le chapelet et me semble une fontaine de Jouvence. Louis Pergaud (1882-1915) est l’auteur de romans et de recueil de nouvelles, dont : La Guerre des boutons, , et De Goupil à Margot, prix Goncourt en 1910.

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