samedi 28 décembre 2013

Des frétillements de l'âme d'un bibliophile

     Ces dernières semaines il a été questions dans les revues, les magazines ou les émissions de divers désagréments que rencontre un peu le monde de la librairie et aussi toute la faune qui gravite autour du Livre. C'était bien intéressant. J'en ai lu quelques uns, distraitement. Ca disait entre autre choses que le monde de la librairie traverse une crise mais qu'elle peut la surmonter si elle sait retrousser ses manches sur ses bras musclés pour inventer un nouveau modèle économique. Bon. Comme ça le raisonnement  a l'air de se tenir. Notez l'autre jour, pour voir j'ai dit " il faut un nouveau modèle économique pour les librairies ". Tout fort. Dans la queue à la boulangerie. Ben les gens m'ont regardé bizarre. Et arrivé à la caisse le boulanger m'a filé mon pain complet et mon Kouign Amman avec un regard genre faudrait voir à pas recommencer. donc bon. Surtout que la librairie dans mon patelin ils n'ont pas l'air de se poser tant de question. Juste un jour le patron m'a demandé s'il était bien le dernier Houellebecq que je lui avait acheté. Parce que pour son cousin, ben peut être.

         Ce que je sais aussi c'est que aujourd'hui alors que je me rendais dans un Bar librairie BD que j'affectionne à Vannes j'ai vu cette petite affiche


Ce que je sais aussi c'est que je vois la librairie l'Imaginaire à Lorient connaitre cette longue agonie. Cette librairie réputé avec ses rayons fournis ou l'on voit semaine après semaine, pièce après pièce, l'espace se restreindre et bientôt les vendeurs vous dire " nous sommes désolés. On  ne peut plus passer de commande " et que c'est pas glop.

Ce que je sait aussi  c'est que ce bouquiniste que j'affectionne particulièrement à Rennes, à côté du Parlement 

Je l'ai découvert à Rennes, jeune lycéen il y a près de 20 ans. A l'époque je fréquentais les bouquinistes surtout pour trouver des éditions d'occases pour tous ces classiques que les enseignants nous infligeaient. Dans cette boutique au début je demandais au patron s'il avait Tartuffe, Germinal ou tel autre pensum. Généralement il sortait l'ouvrage d'une pile et essuyait parfois la poussière qui s'y était déposé. Puis tu te prends au jeu. tu finis par t'aventurer dans la boutique. C'est à dire une grande pièce avec une immense table, garni d'innombrables étagères et autant de rayonnages au mur. Il m'a fallu des mois d'exploration dans cette pièce pour comprendre qu'elle était rangée suivant une méthode rigoureuse dont je posssède encore quelques rudiments.

Lorsque vous entrez sur votre droite vous devez avoir des romans noirs, en avancant un peu vous découvrez sur un présentoir des romans de poche essentiellement de la fiction, se répartissant entre Folio, livre de poche et Garnier Flammarion ( à l'usage je recommande plutôt pour les classiques le Garnier Flammarion, pour les notes). Sur votre gauche sur la table des ouvrages de sciences humaines. Avancons encore (mais je vous recommande de faire attention de ne pas faire s'effondrer des édifices livresques en les bousculant). Arrivé au bout de la pièce, tournez vous sur votre gauche ( la pièce à côté relève du privé, même après des années de fréquentation de cette boutique je n'y ai jamais mis les pieds. L'intimité) et penchez vous. Vous avez là des piles de l'Avant Scène et toute une variété d'ouvrages sur le théâtre et subséquemment des ouvrages sur le cinéma. Plus haut sur les étagères une quantité d'ouvrage sur l'histoire ou l'on pouvait trouver un ouvrage de la revue Esprit sur les militants chrétiens de gauche dans les années 70, l'autobiographie de Maurice Thorez Fils du peuple ou cet ouvrage de Jacques Marteaux sur l'église de france face à la révolution marxiste ( les vrais savent);  En continuant le tour de piste sur votre gauche vous aviez quelque part un rayon littérature russe qui fit mon bonheur, un rayon littérature bretonne fort sympathique.

C'est dans ce type de lieu que je découvrit des ouvrages aussi indispensable à tout honnête homme que " La surcharge sexuelle de la psyché comme source d'inspiration artistique" ou un "manuel du soldat suisse". J'ai aussi avec un frétillement de l'âme découvert sous une pile de livres l'ouvrage de Gordon Craig " l'art du Théâtre " datant de 1943.


 Pour te dire le jour ou j'ai rencontré Peter Brook et que j'ai cité l'ouvrage il m'a regardé en levant le sourcil " Mais vous l'avez trouvé où ? " . Frétillement de l'âme te dis je.

Il se trouve que ce M a choisit après 30 et quelques années de fermer boutique. Pendant les 6 mois qui vont suivre il brade. Il y a des affaires à faire.  J'ai discuté, un peu. Visiblement les affaires ne sont plus ce qu'elles étaient. Son commerce périclite. Les clients qui ne viennent plus. Les étudiants qui ne viennent pas.Il est d'usage d'incriminer ce goût qu'a chaque époque de ne pas ressembler à celle qui lui a précédé. Mais il se trouve que par hasard j'ai croisé il y a quelques temps un autre bouquiniste que je connais aussi un peu. Entre autre choses on a discuté de celui ci. Il était au courant de son départ prochain à la retraite, m'a dit combien ceci le chagrinait aussi. Il avait vu aussi combien malheureusement celui ci, qui lui avait presque appris le métier au début avait manqué l'évolution de son métier. Il ne vends aucune bande dessinée, ne s'est jamais mis aux livres d'art et encore moins l'ésotérique. aujourd'hui les bouquinistes savent se diversifier et vont même consulter tel ou tel site sur Internet pour déterminer le prix auquel ils vont vendre un livre. Les seuls cotes que pouvait avoir Francois Corre c'est de vous glisser en confidence que les Thibault, les gens ne les achetaient plus ( c'était avant le mauvais téléfilm avec Jean Yanne) et que donc il n'en vendait pas, à son grand regret . Maintenant il se désole de voir doucement tout ceci disparaitre et de ne pas trop savoir ce
qu'il va bien pouvoir faire de sa retraite, rentré dans le Finistère.


Voilà. Tout ceci pour dire mon infini reconnaissance à ce bouquiniste, pour tous ces frétillements de l'âme que parfois le simple fouiner dans sa boutique m'a procuré. J'espère encore que quelque soit les modèles économiques que les bouquinistes ou les librairies se choisissent ou se voit imposer ceci sera encore possible.